Il y a 25 ans, le 21 juin 1999, la Suisse et l’Union européenne ont signé le premier paquet d’accords bilatéraux sectoriels. Alors que les négociations sont en cours en vue de renouveler ces accords, Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d’Etat genevois, souligne combien il est important de mettre à jour et de développer ces « logiciels ».
En Suisse, une seule femme siège au Conseil fédéral: Ruth Dreifuss. L’euro commence tout juste à être utilisé sous sa forme scripturale; en France, on paie encore en francs français; en Allemagne, en Deutsche Marks; en Italie, en lires. Un traité de paix est signé entre la Yougoslavie et l’OTAN; au Kosovo les forces serbes sont remplacées par une force de maintien de la paix. En termes géopolitiques, le monde s’achemine vers une période plutôt paisible. Les menaces, bientôt, seront essentiellement non étatiques.
Tout cela, c’était 1999.
Et il y a 25 ans, la Suisse et l’Union européenne ont également signé le premier paquet d’accords bilatéraux. Cette voie s’est ensuite développée avec le soutien constant de la population helvétique. Mais le temps a passé. Et, oui, le monde a changé. En 1999, par exemple, nous accédions à Internet avec un modem 56k, sur un énorme PC partagé au salon. Aujourd’hui, nous sommes passés à l’internet des objets et nous parlons de réalité augmentée.
L’esprit de l’échange et de l’interconnexion est resté, mais les appareils et les logiciels ont évolué. Ainsi, le grand ordinateur que constituent nos accords bilatéraux doit garder l’architecture sectorielle qui a forgé son succès. Mais son logiciel doit être mis à jour de manière adéquate.
Pour continuer à garantir l’accès de la Suisse au marché européen, fort de ses 450 millions de consommateurs, et lui éviter une perte de compétitivité dans un contexte de plus en plus concurrentiel.
Pour préserver la libre circulation des personnes qui assure notre vitalité économique et sociale. À titre d’exemple, la main d'œuvre européenne dans les secteurs de la santé ou du bâtiment est indispensable.
Pour retrouver la participation pleine et entière de la Suisse au plus grand programme de recherche au monde, avec un budget proche de 100 milliards d’euros.
Pour renforcer notre sécurité intérieure grâce à des instruments déterminants dans les domaines des frontières, de la justice, de la police. Car les criminels aussi vivent avec leur temps : ils sont mobiles et connectés.
Par ailleurs, il est illusoire de croire que nous résoudrons seuls les nouveaux défis qui se présentent aujourd'hui. De nouveaux logiciels doivent donc être installés.
Pour sécuriser notre approvisionnement énergétique et la stabilité de notre réseau, car nous dépendons fortement des importations d’électricité.
Pour protéger nos consommateurs contre les aliments potentiellement dangereux, en renforçant la coopération tout au long de la chaîne alimentaire.
Pour gérer de manière plus rapide et efficace les menaces sanitaires transfrontalières et la propagation de maladies infectieuses, comme le coronavirus.
Le seul logiciel qui ne nécessite aucune mise à jour, c’est celui de la volonté de coopérer.
Car nous ne pouvons pas réfléchir, nous ne pouvons pas agir en pensant seulement à l'intérieur de nos frontières et en ignorant la réalité. Notre prospérité se nourrit des échanges avec l’autre, et particulièrement avec nos voisins immédiats, européens. Nos destins sont liés. Et nous partageons avec eux un ensemble d'objectifs et de valeurs qui, elles, n’ont pas changé depuis 1999 : la liberté, les droits humains, la paix, la démocratie.
La coopération bénéficie aux Etats dans un jeu à somme non nulle. Nous pouvons rester souverains tout en admettant notre interdépendance et en la faisant fructifier. Ces accords, d’ailleurs, ne signifient pas une perte de souveraineté, au contraire. Ils signifient un gain de souveraineté par notre capacité à influencer notre destin. Par notre capacité à agir selon nos intérêts, dans un cadre plus large, davantage sécurisant et mieux adapté aux défis actuels – des défis plus complexes et globaux que jamais : (cyber)-sécurité, climat, migration, énergie…
Notre coopération est plus qu’instrumentale, elle est fonctionnelle. C'est pourquoi les cantons suisses soutiennent avec détermination le Conseil fédéral dans les négociations entre la Suisse et l’UE. Le programme de législature du Conseil d’Etat genevois souligne explicitement l'importance de ces négociations.
Nous devons trouver des solutions pragmatiques et efficaces. Nous devons solidifier les accords existants avec l’Union européenne. Et en développer de nouveaux pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.